Hurlements en faveur de Sade + Foyer

Ismaël propose

Si la question « Qu’est-ce que le cinéma ? » s’accommode mal d’une définition précise que s’est gardé de donner André Bazin après avoir été le premier à la formuler, elle est encore plus incongrue aujourd’hui. A l’heure de la multiplication et de l’accumulation presqu’infinies des images et des écrans qui les diffusent. A l’ère où la démocratie n’est pratiquement absolue que dans la possibilité de créer et de montrer ses propres images. Jean-Louis Comolli vient d’émettre l’hypothèse que les vidéos de Daech appartiennent à ce qu’il nomme « l’ensemble cinéma. » A savoir tout ce qui est enregistré de quelque manière que ce soit et qui est diffusé sur un écran de quelque type que ce soit.

La thèse est discutable et la question serait plutôt aujourd’hui : « Qu’est-ce que les cinémas ? » L’argentique donnait l’illusion du mouvement alors que physiquement, il se composait d’une suite d’images fixes. Illusion née de la mécanique du cinématographe et de la persistance rétinienne. Or l’image numérique donne l’illusion de l’unicité et de l’indivisibilité alors qu’elle est plusieurs, composée de milliers et de millions de pixels. Les « 24 vérités par seconde » sont devenues des suites sans fin de 0 et de 1 dans des flux virtuels ininterrompus. Car les images ne se projettent plus, elles ne se diffusent plus. Elles sont une marée qui engloutit inexorablement le réel. Elles ne se font plus, elles nous font. Elles définissent ce que nous sommes. Un moment ne se vit plus, il est représenté sur Internet. Le partage précède l’existence.

Dans son acception informatique, le processus désigné par le terme « flux » est infini. D’autre part, le reflux y est inexistant. En cela, il est imperceptible, indécelable et indicible. Malgré son incongruité, c’est à cause de cette indicibilité même qu’il faudrait poser la question sans cesse : Qu’est-ce que les cinémas ? Hurlements en faveur de Sade et Foyer, dont la mise en perspective est pensée comme un montage godardien ou une image poétique, posent cette question en réfléchissant les mondes dans lesquels ils ont été crées.

Ismaël
Tunis. Octobre 2016.

  • 3 décembre / 18h / Les Variétés
  • Hurlements en faveur de Sade réal. Guy Debord / France / 1952 / 64 min
  • Foyer réal. par Ismaïl Bahri / Tunisie / 2016 / 32 min

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